appartement trébeurdinais
Retour au pays, reprise difficile...
Un coup de fil échanger dès lundi soir entre nous deux, vacancières, aura permis de constater à quel point l'atterissage s'avère violent. L'envie de repartir nous tenaille mais il faut faire front: les obligations de la vie quotidienne ont déjà submergé nos existences.
Les photos une fois développées, la nostalgie se fait plus présente encore, 9 pellicules de 24 photos [oui, oui, 216 photos en deux semaines. c'est bien ça.] retracent toutes les étapes et panoramas du voyage... Que le contraste est saisissant avec notre environnement d'aujourd'hui!
Reste à achever le carnet de bord pour conserver longtemps au coeur et à la tête le bienfait de cette cure d'extrême nature.
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Au beau milieu de cette maussade journée du 3/03/09, nous voici donc bloquées par un barrage animal.
Les bestiaux sont livrés à eux-mêmes, nombreux et visiblement bien décidés à occuper l'axe routier le temps qu'il leur plaira. Leur stature imposante, les coups de tête qu'elles nous adressent régulièrement, accompagnés de quelques mugissements nous font assez vite penser que ces highlands poilues autant que cornues sont loin de vouloir se montrer coopératives. Au volant, je me suis arrêtée à distance respectable (une trentaine de mètres), réfléchissant à la meilleure façon d'appréhender les choses. Julie, crispée à mort sur le siège passager, observe quant à elle attentivement chacune des têtes vachardes qui nous fait face, elle livre au fur et à mesure ses commentaires:
-"regarde celle-là: elle a l'air de nous avoir dans le collimateur, elle n'arrête pas de nous fixer en gueulant... c'est le chef, tu crois pas?
- ce que je constate, c'est que nous sommes sur l'unique voie de passage à plusieurs centaines de kilomètres à la ronde. Rebrousser chemin est impossible!"
Au bout de quelques minutes d'incertitude totale, un autre véhicule s'est pointé dans le sens opposé de circulation; ouf, il a une plaque écossaise, il saura quoi faire, lui! Toute ragaillardie, je m'empresse de me garer dans la passing place la plus proche pour bien montrer à l'auto située de l'autre côté des vaches, que je lui laisse volontiers la priorité sur cette étroite route écossaise... Et voilà que la voiture en question reste à son tour immobilisée devant le troupeau, n'osant franchir la barrière vivante de solides bovins... Mince, ça se complique sérieusement cette affaire: si même la population locale n'ose pas affronter la situation, comment allons-nous faire désormais?
L'attente dure jusqu'à 20 minutes, chacun prisonnier de sa carrosserie, impuissant, scrutant les réactions des ruminants qui, comme par un fait exprès, préfèrent le confort du bitume asphalté! Je n'en reviens pas de l'absurdité des circonstances, je me réjouis même de cette revanche des êtres à sabots sur les bipèdes soit-disant supérieurs.
Puis survient un 3ème véhicule, qui prend place derrière celui di'mmatriculation écossaise, il s'impatiente... le chauffeur sort de son habitacle, s'approche du troupeau, frappe (le fou??) dans ses mains, marmonne quelque chose: les vaches réagissent et commencent à bouger, Hourra! Le gars s'adresse ensuite au conducteur qui le précède et les deux engins redémarrent pour tracer la route, bousculant le groupe animal... Les vaches, dans leur précipitation, nous foncent droit dessus... Mama mia, quelle puissance! On va se faire écraser?! La Modus n'y résistera pas!! Juste avant l'impact fatal, chaque bête dévie de son axe pour finalement poursuivre son chemin en encerclant la voiture à l'arrêt, la frôlant de part en part... Epatée, j'ai encore la présence d'esprit de photographier le phénomène (Ah, ces paparazzi: 'mourront l'appareil à la main!) Pfiouhouf... Quel soulagement!
Allez, zou, c'est reparti: la route est désormais dégagée, il n'y a plus de temps à perdre!
Le temps n'est vraiment pas de la partie, abominablement bouché, nous ne voyons pas grand-chose sous les trombes d'eau. Nous pensions d'abord pouvoir faire une halte pique-nique au coeur d'un paysage sympathique... On abandonne vite l'idée, résolues une fois de plus à casse-croûter prisonnières de la Modus (sacrée Modus: que ferait-on sans elle!?). Un point de vue (limité) sur un château en ruine nous décide, on stationne sur un parking attenant à un hôtel-bar-restaurant-boutique, ce qui nous permet de nous offrir une pause café-shopping.
On s'installe le long de la baie vitrée "boiling water" pour moi, "coffee" pour Julie, le tout accompagné de délicieux cookies (et c'est pas ironique: vraiment fameux ceux-là!)... Puis la photographe s'aperçoit qu'elle n'a pas son matériel. En vue d'immortaliser l'escale détente, je m'en retourne chercher mes affaires dans le véhicule. Une fois harnachée, au moment de repasser le sas d'entrée, je croise un livreur qui décharge de gros cartons vers la boutique. Mon grand coeur me pousse à tenir la porte au bonhomme croulant sous la charge puis, reprenant d'un pas hardi le chemin du bar où m'attend Julie, je me retrouve dans une situation aussi soudaine que brutale: ma jambe droite, emmenée par mon pied donc le dérapage s'avère totalement incontrôlé, décrit une courbe en extension vers le haut, rapidement suivie par ma jambe gauche. Le reste du corps, désespérément dépassé par les évènements, s'en va à l'opposé, dans l'écartellement le plus absolu, se raccrochant à l'air ambiant; il ne rencontre que le vide et retombe à plat, de toutes ses forces et de toute sa hauteur, sur le carrelage humide de la boutique, accompagnant dans sa lourde et fracassante chute un pot de miel qui, atteint par la projection du sac à main, s'effondre à son tour du sommet d'une étagère. La besace de l'appareil photo à quand à elle valsé à l'autre bout de la pièce. L4ensemble est tellement spectaculaire, tant pour l'immédiateté que par le côté impressionnant, que le livreur laisse tomber ses paquets et la standardiste lâche son téléphone. Tous deux se ruent aussitôt vers moi, la chose étalée, pour m'aider à me relever et constater les dégâts... Pas brillant... Complètement sonnée, je mets un certain temps à remonter sur mes deux jambes... Les "Are you ok?" fusent, les réponses se veulent rassurantes "I think O'm ok, my leggs works", mais le visage, d'abord pâle comme la mort puis rouge écarlate, et les larmes qui affluent au coin des yeux affirment le contraire. Me confondant en excuses pour l'article cassé, répétant que c'est OK, je fuis la boutique pour rejoindre Julie qui, assise à la table n'y comprend fichtre rien lorsqu'elle me voit débouler, à bout d'souffle, en larmes, secouée de rires, incapable d'articuler correctement 3 mots pour expliquer ce qui vient de m'arriver.[Deux ans plus tard, en retapant tout ça, je pleure encore de rire en y repensant...]
-"Mais on peut vraiment pas t'laisser toute seule deux minutes! C'est invraisemblable!"
Les nerfs lâchent, bousculant les sanglots... Il faudra attendre de longues minutes pour permettre à la victime de cette imprévisible cascade de reprendre ses esprits.
Bon, le trajet qui nous attend est de taille... Cette fois, bien qu'on soit de l'après-midi (créneau de conduite m'étant habituellement destiné) c'est Julie qui prend les manettes, étant donné mon triste état (Coccis en vrac).
Les paysages défilent, tous plus bouchés les uns que les autres... Impossible de prendre des photos (de toutes manières, je suis à cent lieues de ça, je bataille plutôt afin de trouver sur le siège passager une position relativement supportable pour mon postérieur abîmé!)... Les heures s'allongent. Julie, stoïque, ne lâche ni vigilance, ni motivation. On traverse tout le Loch Lomond, les décors nous font penser au Canada (dommage que le ciel nous boude désespérément!), puis, vers 17h30, on arrive enfin à l'auberge de jeunesse recherchée... Un bâtiment fabuleux, cossu, carré, perdu en pleine nature, perché sur une colline au bord d'un Loch. Nos visages, fatigués par cette interminable journée de route, s'illuminent. La bâtisse est éclairée, les fenêtres sont ouvertes, voilà qui smeble de bon augure. On s'empresse d'aller aux renseignements... Et... La porte d'entrée reste close... Aucune réaction dans l'enceinte de l'auberge... On sonne, on frappe, on crie... Il fait froid, il pleut, il vente, on n'a presque plus du tout de carburant (on a attaqué la réserve depuis un bon moment déjà)... C'est pas possible... On ne peut pas se retrouver abandonnées comme ça au milieu de nulle part?!! Je fais le tour complet de l'édifice, tambourine à toutes les fenêtres, hurle, observe, attends... Rien n'y fait... Pourtant, j'ai bel et bien constaté que les lieux sont habités, il y a un salon où traînent quelques tasses et un transistor allumé... Au bout de plusieurs quarts d'heures de patience irritée, nous nous rendons à l'évidence; il devient urgent de trouver une station service et un hébergement. On redémarre donc pour quitter l'endroit idyllique qui n'a pas voulu de nous; et, sur l'unique voie d'accès au domaine, on croise un véhicule en sens inverse... Je suis convaincue qu'il se rend à l'auberge: il faut faire demi tour et retenter notre chance! Exécution! La voiture s'est effectivement garée devant la Rowerdennan Youth Hostel. On s'en retourne donc ragaillardies vers le hall d'entrée. On frappe, on sonne, on tente d'ouvrir... Tout reste désespérément fermé... [ c'est encore étonnant que personne n'aie appelé la police ] Julie a vu des ombres circuler à l'intérieur, elle en est certaine. Je recommence alors l'inspection complète des pourtours du bâtiment et finis par trouver un porte ouverte derrière laquelle travaillent deux jeunes hommes, je leur explique notre situation de touristes en détresse... Ils me répondent out désolés que l'auberge n'ouvre pas avant le 6 mars (nous sommes le 3, c'est rageant!). Je leur demande en désespoir de cause comment trouver du carburant, et comme je ne comprends pas la réponse (John parle un peu français, il a vécu à Marseille, mais il mélange les mots), j'hurle après Julie, qui n'entend pas tout de suite et qu'il faudra finalement aller chercher. Bon, ben, l'heure tourne, on n'a pas où dormir et on va devoir se contenter des maigres indications des deux ouvriers. Direction Balloc'h pour dégoter une nouvelle auberge... La chaussée s'est assombrie, les kilomètres n'en finissent pas de s'enchaîner. A Balloc'h, en pleine nuit, j'indique à Julie les quelques précisions (pas très détaillées en fait) associées à l'auberge en question sur le guide du routard... On ne trouve pas, on s'énerve... Julie est prête à lâcher l'affaire, je conseille de s'arrêter demander conseil dans un bar, ce que l'on finit par faire. Là, adorables, un vieux monsieur rondouillard et une jeune fille pétillante se chargent de tout nous expliquer, la jeune fille attrape Julie, le vieux monsieur me réquisitionne. Requinquées, bardées d'informations, nous reprenons vaillamment la route de l'auberge. Il s'agit d'un somptueux manoir, on en reste stupéfaites: la vie de château à moindres frais: Royal! Sauf que, là encore, nul ne répond à nos appels... Même si, par les fenêtres, on distingue les silhouettes s'activant dans les lueurs de l'établissement. Je m'acharne, j'ai les souliers trempés, je crie, je frappe... Rien n'y fait. Dépitées, nous remontons dans la Modus... Et une ombre apparaît dans la cour d'entrée, c'est Julie qui l'aperçoit par le rétroviseur. La jeune femme s'élance à la rencontre de cette âme providentielle. Quant à moi, percluse de froid et de fatigue, je reste prostrée dans la carlingue. Quelques minutes plus tard, Julie revient avec une maigre information: il y a une station de carburant à environ 50 bornes de là sur le grand axe qui mène à Glascow. Le château est bien évidemment fermé, le bonhomme sortait pour nous engueuler mais voyant précarité de notre situation, il a bien vite compati sans pouvoir nous être d'une grande utilité.
La jauge, plus lumineuse que jamais, nous reprenons la route, quittant définitivement le maudit Loch Lomond qui n'a pas voulu de nous. Les kilomètres s'étirent, le stress monte d'un cran, avec la trouille de finir en panne sèche sur le bas-côté au coeur de la nuit dans ce froid mordant et cette pluie battante... Plusieurs faux-espoirs: des centrales de véhicules de location, des hangars à camions routiers puis... Enfin... la station de carburant: Alléluiah... Voilà déjà un problème de réglé: on abreuve la Modus rendue totalement à sec puis, après avoir interrogé le gars du guichet sur nos chances de trouver un hébergement de proximité, on se remet en selle. Julie, stoïque, garde le volant, je m'enfile un énorme brownie et étudie l'itinéraire (oh làlà: je mets du chocolat partout, cochonne que je suis.) Finalement, je m'aperçois qu'on est tout près de Glascow: à mon avis, il vaut mieux miser sur l'AJ de cette grande ville, je me sens de guider la Modus à l'aide des différentes cartes que j'ai sous le nez. Julie est tellement naze qu'elle consent à tout, même à dormir dans la voiture s'il n'y a pas d'autre solution. Il est 20h45 lorsque nous franchissons le panneau d'entrée de la ville de Glascow... 1/2 h plus tard, on se retrouve désespérément au même niveau, après avoir raté notre 1ère incursion dans la capitale écossaise... Une véritable catastrophe pour les visiteurs de cette agglomération: que des grands boulevards, pas un seul panneau directionnel, aucun nom de rue au coin des bâtiments, de quoi devenir littéralement dingue!! D'ailleurs Julie n'est pas loin de rendre complètement son tablier, elle n'a plus le courage, elle est prêt à s'abandonner là, sur un siège de voiture au bord d'un périphérique... Hors de question pour moi! j'exhorte mon amie à rassembler le peu d'énergie qui lui reste: on va bien la trouver cette "putain d'auberge, on a quand même mérité de s'allonger dans un vrai lit après tant de péripéties, bordel de merde!! Allez Julie, fais ce que je te dis, même sans indication, on y arrivera, j'ai pris mes repères sur les cartes: EN ROUTE!" Pas de temps à perdre si on veut y arriver avant que ça ferme (22h)... L'acheminement dans le dédale des sombres chausseés de cette cité aura été un véritable calvaire. Bravo à moi pour n'avoir jamais lâché le morceau et pour avoir réussi à réaiguiller la modus quelque soit la situation (même perdue au beau milieu d'un hôpital!) Double bravo à Julie qui a lutté de manoeuvres en manoeuvres, pour conserver le fil de notre parcours (même quand il fallait changer de voie à la dernière seconde et s'insérer vaille que vaille dans un convoi de bagnoles toutes plus speed les unes que les autres! On a bien du tourner 5 ou 6 fois dans le quartier avant de finir par découvrir le fameux panneau "Youth Hostel" juste devant la porte de l'auberge... Ben voyons, fallait surtout pas vous fatiguer à nous en mettre un plus tôt!?! Deux zombies ont réservé ce soir une "private room" (2ème étage, superbe vue sur la ville, mais que d'escaliers!!! sans ascenseurs bien entendu) se sont traînées péniblement jusqu'à la cuisine pour avaler une soupe, ont réglé les formalités de stationnement payant et se sont couchées sans demander leur reste.
Le lendemain, après une matinée urbaine (cf. écrits du 4/03/09), direction l'extrême Ouest de l'Ecosse: le Galloway sera notre dernier opus!
[il m'aura juste fallu deux ans pour finir de retaper tout ça. Sorry !]